Au cas où vous les auriez manquées: quelques nouveautés en droit du travail
Depuis le 1er juillet 2023, deux nouvelles catégories d'entreprises peuvent bénéficier d'une flexibilisation de la durée du travail et du repos par exception au régime général prévu par la Loi fédérale sur le travail.
Publié: 11 décembre 2023
Counsel, Head of Employment, Pensions and Immigration
Publié: 11 décembre 2023 | ||
Auteurs |
Sara Rousselle-Ruffieux |
Counsel, Head of Employment, Pensions and Immigration |
Expertise |
Employment, Pensions and Immigration |
En outre, à Genève, la Loi cantonale sur l'égalité et la lutte contre les discriminations, ainsi que la Loi cantonale sur l'égalité et la lutte contre les discriminations liées au sexe et au genre sont également entrées en vigueur le 1er juillet 2023. Ces lois pourraient avoir un impact sur les marchés publics.
Contexte
La Loi fédérale sur le travail dans l'industrie, l'artisanat et le commerce ("LTr") prévoit des règles précises et contraignantes s'agissant de la durée du travail et des périodes de repos.
Il existe néanmoins, en fonction des entreprises ou des catégories de travailleurs, des dérogations possibles aux prescriptions légales en matière de durée du travail et du repos. Ces dérogations sont prévues par l'Ordonnance 2 relative à la Loi sur le travail ("OLT 2").
Régime général de la LTr
- Temps de travail et périodes de repos
En règle générale, le travail ne peut s'effectuer qu'entre 6 heures et 23 heures. S'il est effectué entre 23 heures et 6 heures (travail de nuit), une autorisation spéciale est nécessaire. C'est également le cas pour le travail effectué le dimanche.
Selon le régime général de la LTr, la durée maximale de la semaine de travail est de 45 heures pour les travailleurs occupés dans les entreprises industrielles ainsi que pour le personnel de bureau, le personnel technique et les autres employés, y compris le personnel de vente des grandes entreprises de commerce de détail. Pour tous les autres travailleurs soumis à la LTr, la durée maximale de la semaine de travail est de 50 heures. À titre exceptionnel et dans certaines limites, la durée maximum de la semaine de travail peut être dépassée.
L'intervalle dans lequel s'inscrit la période de travail quotidienne doit atteindre au maximum 14 heures, pauses et travail supplémentaire inclus.
Chaque travailleur doit, en principe, bénéficier d'une durée de repos quotidien d'au moins 11 heures consécutives.
- Travail de nuit et travail dominical
En règle générale, le travail ne peut s'effectuer qu'entre 6 heures et 23 heures. S'il est effectué entre 23 heures et 6 heures (travail de nuit), une autorisation spéciale est nécessaire. C'est également le cas pour le travail effectué le dimanche.
Régime d'exception de l'OLT 2
L'OLT 2 précise les dérogations possibles aux prescriptions légales en matière de durée du travail et du repos, en relation avec différentes catégories d'entreprises et divers groupes de travailleurs.
- Catégories d'entreprises concernées par la révision
La révision de l'OLT 2 introduit des nouveautés applicables, d'une part, aux entreprises actives dans les technologies de l'information et de la communication ("TIC") et, d'autre part, aux entreprises de services principalement actives dans les domaines de l'audit, de l'activité fiduciaire et du conseil fiscal.
- Entreprises actives dans les technologies de l'information et de la communication
Le nouvel art. 32b OLT 2 s'applique aux entreprises actives dans les TIC.
La nouvelle disposition permet aux entreprises actives dans les TIC de prolonger à 17 heures (au lieu de 14) l'intervalle dans lequel s'inscrit la période de travail quotidienne des travailleurs, pauses et travail supplémentaire inclus. Cette dérogation n'est possible que pour les activités relevant des TIC i) qui sont liées à des projets dans le cadre d'une collaboration internationale ou ii) pour des activités urgentes et non prévisibles.
À certaines conditions, la durée de repos quotidien des travailleurs peut aussi être réduite à 9 heures (au lieu de 11 dans le régime général).
Par ailleurs, ces entreprises continuent de bénéficier, à certaines conditions limitées, de la possibilité d'occuper leurs travailleurs sans autorisation la nuit et le dimanche, selon le régime prévu par l'art. 32 OLT en vigueur.
En revanche, les services informatiques internes d'entreprises appartenant à d'autres branches d'activité ne bénéficient pas de cette exception.
- Entreprises de services dans les domaines de l'audit, de l'activité fiduciaire et du conseil fiscal
Les entreprises de services actives dans le domaine de l'audit, de l'activité fiduciaire et du conseil fiscal bénéficient du régime du nouvel art. 34a OLT 2.
Le nouvel art. 34a OLT 2 introduit la possibilité d'un régime d'horaire annualisé pour certains travailleurs. Ceux qui peuvent bénéficier de ce régime sont les collaborateurs occupant une fonction de supérieurs ou de spécialistes dans les domaines de l'audit, de l'activité fiduciaire ou du conseil fiscal. Parmi d'autres conditions, ils doivent disposer d'une grande autonomie dans leur travail et dans la fixation de leurs horaires.
La mise en place d'un régime d'horaire annualisé, sous réserve d'un accord écrit entre l'employeur et le travailleur concerné, a notamment pour conséquence que les dispositions générales relatives à la durée maximale de la semaine de travail ne sont pas applicables. Cependant, la durée du travail ne doit tout de même pas excéder 63 heures par semaine, et la moyenne annuelle doit être de 45 heures par semaine au maximum.
À certaines conditions, la durée de repos quotidien des travailleurs concernés peut être réduite à 9 heures (au lieu de 11 dans le régime général).
En outre, le travail du dimanche est possible sans autorisation officielle durant cinq heures au maximum, et ce pendant neuf dimanches au plus par année.
Ce régime spécifique résulte du caractère saisonnier des activités concernées (périodes de bouclement de comptes par exemple). Il ne s'applique en revanche pas aux autres entreprises de services (services juridiques notamment).
Contexte
Le canton de Genève a adopté une Loi sur l'égalité et la lutte contre les discriminations ("LED") et une Loi sur l'égalité et la lutte contre les discriminations liées au sexe et au genre ("LED-Genre").
La LED permet de concrétiser de façon générale le droit constitutionnel à l'égalité. La LED-Genre, quant à elle, vise plus spécifiquement la promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes ainsi que la lutte contre les violences et les discriminations fondées sur le sexe et le genre.
Champ d'application
Les dispositions de la LED et de la LED-Genre ne sont en principe pas directement applicables au secteur privé. Elles s'appliquent en premier lieu au secteur public.
Ces lois, qui sont une première en Suisse, prévoient pour l'Etat des mesures de sensibilisation du public, la mise en place de formation des corps professionnels en contact avec les personnes concernées, la tenue de statistiques spécifiques sur les violences et les discriminations subies, en particulier sur les féminicides et le harcèlement sexuel, la réalisation d'une action préventive systématique contre le harcèlement dans l'espace public, la prise en charge des personnes concernées de façon adéquate et une communication qui ne reproduise pas de stéréotypes de genre.
Concernant le secteur privé, la LED et la LED-Genre prévoient avant tout des actions incitatives et de sensibilisation de la part de l'Etat. Ces lois peuvent néanmoins avoir un impact plus concret.
Conséquences
S'agissant du domaine des marchés publics, l'autorité adjudicatrice peut, parmi les critères d'adjudication, tenir compte du respect par les entreprises soumissionnaires des principes posés par la LED et par la LED-Genre, en particulier l'égalité de traitement salarial entre hommes et femmes.
En outre, l'octroi d'indemnités et d'aides financières étatiques est en principe subordonné au respect des principes de l'égalité et de l'interdiction des discriminations. Il en va de même pour la délégation de tâches publiques.
Dès lors, dans le canton de Genève, tant pour l'adjudication de marchés publics que pour l'octroi d'aides étatiques, l'adoption des principes prévus par la LED et la LED-Genre pourrait être un argument jouant en faveur des entreprises. Le Règlement genevois sur la passation des marchés publics (RMP) prévoit d'ailleurs déjà que les soumissionnaires et les entreprises exécutantes doivent respecter le principe de l'égalité entre femmes et hommes (art. 21). Ceci étant dit, à défaut de modification de ce règlement et d'une inclusion explicite de l'obligation de respect de la LED et la LED-Genre (dont le champ d'application est limitée au secteur public), il nous semble que le respect de ces lois ne devrait pas être une condition sine qua non pour les entreprises répondant à des appels d'offres publics et/ou demandant des aides étatiques. Cela pourrait toutefois être un plus et une modification du règlement à moyen terme n'est pas exclue.
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