Le Tribunal fédéral réévalue les recommandations et les accords verticaux sur les prix autorisés
Dans sa décision publiée hier dans les affaires des "médicaments hors liste" (recommandations de prix) (2C_149/2018 du 4 février 2021), le Tribunal fédéral concrétise le concept de pratique concertée et apporte quelques réponses aux questions ouvertes en la matière.
Publié: 22 avril 2021
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Publié: 22 avril 2021 | ||
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Competition and Regulated Markets |
Pratique concertée en tant qu'accord au sens de l'art. 4 al. 1 LCart
Pursuant to Article 4 para. 1 CartA agreements affecting competition are binding or non-binding agreements and concerted practices between undertakings operating at the same or at different levels of production which have a restraint of competition as their object or effect. According to the Federal Supreme Court, a concerted practice is considered as agreement if a con-scious and deliberate cooperation between the companies concerned exists.
Selon l'art. 4 al. 1 LCart, sont des accords en matière de concurrence les conventions avec ou sans force obligatoire ainsi que les pratiques concertées d'entreprises occupant des échelons du marché identiques ou différents, dans la mesure où elles visent ou entraînent une restriction à la concurrence. D'après le Tribunal fédéral, une pratique concertée est couverte par le concept d'accord lorsqu'il s'agit d'un comportement commun conscient et voulu des entreprises concernées.
Comme le constate le Tribunal fédéral, le concept de pratique concertée se compose de deux éléments : d'une part la concertation ("contact"), et d'autre part le comportement sur le marché basé sur celle-ci. Il doit ainsi exister un lien de causalité entre la coordination et le comportement.
Selon le Tribunal fédéral, la concertation des comportements couverte par l'art. 4 al. 1 LCart repose sur l'exploitation d'informations qui ne sont pas librement accessibles dans des conditions de marché normales, mais qui ne le sont qu'à la suite d'un échange d'informations conscient entre les participants au marché. Toujours selon le Tribunal fédéral, le concept de pratique concertée n'exige pas un échange de déclarations d'intention, mais un minimum de communication, un "contact", est toutefois nécessaire.
Dans ce contexte, un "comportement d'infomation" unilatéral d'une entreprise est déjà suffisant si l'on peut supposer que les concurrents adapteront leur comportement sur le marché en conséquence.
La mise en œuvre de la concertation constitue le second élément des pratiques concertées. D'après la jurisprudence du Tribunal fédéral, cette mise en œuvre doit en principe se traduire par un comportement sur le marché concret et plus ou moins visible. Le comportement sur le marché doit ainsi être influencé par la concertation en question.
Concernant le lien de causalité, le Tribunal fédéral précise qu'il existe, en présence d'une concertation avérée, une présomption réfragable que les entreprises concernées ont tenu compte des informations échangées pour déterminer leur comportement sur le marché. Ce principe s'applique d'autant plus lorsque la concertation a régulièrement lieu, et ce sur une longue période. A l'inverse, la similarité des comportements de concurrents peut constituer un indice d'une pratique concertée; toutefois, d'autres indices sont en principe nécessaires pour que l'on puisse conclure à l'existence d'une telle pratique. Avec ces deux allègements en matière de preuve concernant le lien de causalité, le Tribunal fédéral suit la jurisprudence de la CJUE.
Un accord sous la forme d'une pratique concertée ne constitue alors un accord en matière de concurrence au sens de l'art. 4 al. 1 LCart que lorsqu'il vise ou entraîne une restriction à la concurrence.
Le cas des recommandations de prix
Dans le présent arrêt, le Tribunal fédéral devait trancher si des recommandations de prix verticales pour du Viagra constituent une pratique concertée au sens de l'art. 4 al. 1 LCart. Il précise que le respect de la recommandation de prix ne suffit pas à lui seul à démontrer l'existence d'une pratique concertée, sans toutefois que l'existence de pression ou d'autres éléments supplémentaires au suivi des recommandations ne soient forcé- ment nécessaires. Une analyse globale doit être effectuée. L'interaction entre la concertation et sa mise en œuvre doit atteindre un certain niveau qualitatif pour que des recommandations de prix verticales constituent une pratique concertée. Enfin, le Tribunal fédéral précise dans ce contexte que le respect effectif des prix recommandés ne doit pas être soumis à des exigences trop élevées.
Dans le cas concret, le Tribunal fédéral affirme que l'envoi des recommandations de prix constitue une concertation. Le fabricant et les points de vente ont communiqué de façon intensive, ce qui a permis à tout le moins de réduire les incertitudes quant aux réactions des autres acteurs du marché. Selon le Tribunal fédéral, le taux de suivi des points de vente dépassait 50%, ce qui suffit à reconnaître la mise en œuvre de la concertation, soit un comportement de marché correspondant à ladite concertation. Le Tribunal fédéral conclut ainsi à l'existence d'un lien de causalité entre la concertation et le comportement de marché. Ce faisant, il se fonde en particulier sur les exigences de preuve allégées en présence d'une concertation avérée et sur la similarité des comportements des participants au marché comme indice d'une pratique concertée. Enfin, les recommandations de prix viseraient et entraineraient une restriction à la concurrence. Ainsi, le Tribunal fédéral diverge de l'autorité précédente et conclut que les recommandations de prix verticales constituent une pratique concertée au sens de l'art. 4 al. 1 LCart, dont la licéité doit être analysée dans un second temps sous l'angle de l'art. 5 LCart.
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