Révision de la loi fédérale sur les cartels: le Conseil fédéral présente son projet de loi
Le Gouvernement suisse aspire à une révision partielle de la loi sur les cartels. Au terme de la procédure de consultation, le Conseil fédéral a publié son projet de loi. La révision vise notamment à moderniser le contrôle des concentrations et au renforcement des actions civiles en dommages-intérêts. Fait remarquable, le projet de loi prévoit également la réintroduction du test de matérialité pour les cartels durs. La révision va maintenant être débattue au Parlement suisse. La loi révisée sur les cartels ne devrait pas entrer en vigueur avant 2024.
Publié: 2 juin 2023
Partner, Head of Competition
Partner
Managing Partner, Head of Competition
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Publié: 2 juin 2023 | ||
Auteurs |
Marcel Meinhardt |
Partner, Head of Competition |
Astrid Waser |
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Benoît Merkt |
Managing Partner, Head of Competition |
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Sevan Antreasyan |
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Expertise |
Competition and Regulated Markets |
Contexte
Le Conseil fédéral a adopté le 24 mai 2023 le projet de révision partielle (le "Projet") de la loi fédérale sur les cartels ("LCart") et le message y relatif. Le Projet reprend en grande partie la proposition mise en consultation en novembre 2021. Les principales modifications de la loi indroduites par le Projet peuvent être résumées comme suit:
Modernisation du contrôle des concentrations
Passage au test SIEC
Tout comme dans la proposition du Conseil fédéral mise en constulation en novembre 2021, le Projet adopte désormais le test Significant Impediment to Effective Competition ("Test SIEC") comme standard pertinent pour le contrôle suisse des concentrations. Le passage du test de dominance, sur lequel se basait à ce jour le contrôle des concentrations (ce qui signifie qu'une transaction ne peut être interdite ou assortie de charges que si elle crée ou renforce une position dominante supprimant entièrement la concurrence efficace) au Test SIEC permet d'aligner le droit suisse à la pratique de l'Union européenne en la matière.
Selon le Test SIEC, la Commisison de la concurrence ("Comco") pourra interdire une transaction (ou l'autoriser moyennant des conditions ou charges) si les deux conditions cumulatives suivantes sont remplies:
- la transaction entrave de manière significative une concurrence efficace, en particulier en créant ou en renforçant une position dominante.
- la transaction ne génère pas, pour les acheteurs, des gains d'efficacité propres à la concentration qui soient vérifiables et justifiés par les entreprises notifiantes et qui compensent les inconvénients causés par l'entrave significative à la concurrence.
Le Test SIEC abaissera le seuil d'intervention actuel de la Comco. Cela conduira probablement à l'avenir à des décisions plus strictes, voire à un nombre plus important d'interdictions de concentrations d'envergure nationale.
Nouvelle exemption de l'obligation de notification
Les transactions qui atteignent les seuils de chiffre d'affaires de l'actuel article 9 al. 1 LCart doivent être notifiées à la Comco. Le Projet introduit une exception à cette obligation pour les concentrations transfrontalières si les deux conditions cumulatives suivantes sont remplies:
- la transaction proposée ne doit pas être concentrée sur la Suisse, c'est-à-dire que chacun des marchés de produits concernés par l'opération peut être délimité géographiquement de telle sorte qu'il comprend la Suisse et au moins l'Espace économique européen ("EEE"). Si la transaction affecte au moins un marché limité géographiquement à la Suisse, l'obligation de notification reste en vigueur.
- la transaction proposée doit être évaluée par la Commission européenne. Si la transaction n'est pas notifiée à la Commission européenne, l'exemption ne s'applique pas.
Le Projet vise à éviter un double examen par la Comco et la Commission européenne en parallèle. Néanmoins, en pratique, il sera certainement difficile de répondre dans chaque cas à la question de savoir si tous les marchés de produits concernés comprennent aussi l'EEE car la Comco ne fournit souvent pas de définition arrêtée du marché géographique dans ses décision.
Renforcement du droit civil des cartels
Le Projet prévoit une extension de la légitimation active pour les actions de droit civil à toute personne dont les intérêts économiques sont menacés ou affectés par une restriction illicite à la concurrence, notamment les consommateurs et les pouvoirs publics.
Il prévoit ensuite de suspendre la prescription applicable aux actions civiles découlant d'une restriction illicite à la concurrence entre l'ouvertured'une enquête par la Comco jusqu'à ce qu'une dé- cision juridiquement contraignante soit rendue.
En outre, le Projet vise à promouvoir l'indemnisation volontaire des victimes de pratiques anticoncurrentielles, reflétant ainsi la pratique ré- cente de la Comco en la matière. Par conséquent, les dommages-intérêts et réparations du tort moral volontaires ainsi que les remises volontaires de gain réalisé indûment pourront être pris en compte pour la détermination du montant de la sanction.
Il est à prévoir que le renforcement du droit civil des cartels mène à l'avenir à une augmentation des actions en dommages-intérêts à l'encontre des entreprises visées.
Clarifications
- Accords illicites selon l'art. 5 LCart: Tout comme dans la proposition mise en consultation, le Projet réintroduit la prise en compte des aspects quantitatifs et qualitatifs des accords pour apprécier le caractère notable de restrictions à la concurrence, rétablissant ainsi la situation juridique de fait qui prévalait avant l'arrêt du Tribunal fédéral dans l'affaire GABA selon lequel tous les accords horizontaux durs sur les prix, quantités et territoires (y compris notamment les coopératives d'achats) ainsi que les accords verticaux durs constituent déjà une restriction notable de la concurrence en vertu de leur objet. Ainsi, il est proposé qu'à l'avenir, même de tels accords doivent notamment être également examinés sous l'angle quantitatif
- Infractions légères: Le Projet indroduit le principe de l'opportunité en cas d'infraction légère de manière à éviter que les autorités en matière de concurrence ne doivent se saisir de cas insignifiants.
Modifications procédurales
- Procédure d'opposition: Le Projet renforce la procédure d'opposition en permettant aux entreprises d'annoncer des comportements et accords planifiés à la Comco avant leur mise en œuvre. Si les autorités en matière de concurrence n'ouvrent pas d'enquête dans le délai d'opposition, le risque direct de sanction pour les entreprises s'éteindra définitivement pour le comportement notifié. En outre, le délai d'opposition sera réduit de 5 à 2 mois.
- Délais d'ordre: Le Projet introduit des délais spécifiques pour les autorités de la concurrence et les tribunaux sur la base du principe "se conformer ou s'expliquer" (comply or explain) dans le but d'accélerer les procédures en matière de droit des cartels.
- Indemnisation: Le Projet introduit une allocation de dépens aux parties pour la procédure administrative de première instance devant la Comco. En cas de classement de l'enquête (entièrement ou en partie), il sera désormais possible d'accorder une indemnité aux entreprises ayant fait l'objet de soupçons infondés.
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