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Les sociétés suisses à l'ère de la transparence (Le Temps)

Les sociétés suisses à l'ère de la transparence (Le Temps)

Apprenez-en plus sur le projet de loi du Conseil Fédéral sur la transparence des personnes morales (LTPM) en lisant la dernière chronique "Un œil sur la place" de Shelby R. du Pasquier dans Le Temps.

Published: 15 July 2024

PEOPLE
Partner, Head of Banking and Finance
Published: 15 July 2024
PEOPLE

Shelby R. du Pasquier

Partner, Head of Banking and Finance, Asset Management, Banking and Finance, Capital Markets, Commercial and Contracts, Insolvency and Restructuring, Investigations, Private Clients

Expertise Banking and Finance

En date du 22 mai 2024, le Conseil fédéral publiait un projet de loi sur la transparence des personnes morales (LTPM). Ce projet porte en substance sur deux objets liés au renforcement de la lutte contre le blanchiment, à savoir: d’une part, l’introduction d’un registre des ayants droit économiques (ADE; en anglais ultimate beneficial owners – UBO) et, d’autre part, l’introduction d’obligations de diligence supplémentaires pour les avocats et notaires. La présente contribution se concentrera sur le premier sujet.

L’on rappellera que la Suisse est aujourd’hui l’un des rares pays à ne pas s’être doté d’un registre centralisé des ADE. L’identification des ADE existe depuis 2014 (avec l’introduction des art. 697j à 697m CO) mais se fait au niveau des personnes morales et non de manière centralisée. Cette approche a toutefois été considérée comme insuffisante par le Groupe d’action financière sur le blanchiment de capitaux (GAFI), dont la Suisse est un membre fondateur. En particulier, la recommandation 24 du GAFI requiert la mise en place d’un registre des bénéficiaires effectifs des personnes morales assurant un accès rapide et efficace par les autorités de poursuite pénale, ce que le système suisse n’assurerait pas.

Le projet publié par le Conseil fédéral instaure donc un registre fédéral (sous l’appellation orwellienne de «registre de transparence» qui sera administré par l’Office fédéral de la justice. Les entités concernées sont tous types de personnes morales suisses (SA, Sàrl, SICAV/SICAF, associations et fondations, etc.), à l’exception des sociétés cotées en bourse. Les sociétés étrangères ayant une succursale ou un immeuble en Suisse, de même que celles ayant leur administration effective dans notre pays, sont également couvertes par cette nouvelle exigence. Les personnes soumises seront dorénavant tenues de collecter les informations requises et les transmettre au registre de la transparence.

La définition d’ayant droit économique est tirée de la législation anti-blanchiment (LBA): en substance, est considéré comme un ADE toute personne physique qui détient directement ou indirectement, seule ou de concert avec des tiers, 25% du capital ou des droits de vote d’une entité donnée, ou la contrôle d’une autre manière (art. 4 P-LTPM). Lorsqu’il n’est pas possible d’identifier une telle personne, sera considéré comme ADE l’organe le plus haut placé de la direction de l’entité considérée (e.g. président du conseil d’administration, directeur géné- ral s’il y en a un, etc.).

Contrairement au régime mis en place au sein de l’UE, il n’est pas prévu que ce registre soit publiquement accessible. Un tel accès sera réservé aux autorités de poursuite pénale et à d’autres autorités expressément mentionnées dans le projet de loi, en particulier le Bureau de communication (MROS) et le Seco ou encore les autorités fiscales dans le cadre de l’entraide administrative (art. 34 P-LTPM). Par ailleurs, les intermédiaires financiers (e.g. banques) auront le droit de consulter le registre dans le cadre de l’accomplissement de leurs obligations en matière de LBA (art. 35 P-LTPM). L’accès au registre se fera en ligne. Le public ou les journalistes ne se verront en revanche pas reconnaître un tel accès.

Le projet prévoit une obligation par l’intermédiaire financier de traiter toute divergence matérielle qu’il constate entre les informations en sa possession sur un client et celles ressortant du registre de la transparence (art. 38 P-LTPM). Face à une telle différence, il interpellera son client pour lui faire corriger dans un délai raisonnable les inscriptions erronées. A défaut, il en informera le registre. Le diable est toutefois dans les détails: l’on peut ainsi s’attendre à ce que cet aspect du projet conduise dans les faits à des complications pour les intermédiaires financiers à qui incombe cette vérification. En effet, le système d’identification des ADE en place dans le secteur bancaire est plus nuancé que le régime proposé par le P-LTPM, ce qui pourrait conduire à de nombreuses divergences avec les informations inscrites au registre de la transparence.

Les trustees qui ne sont pas déjà assujettis à la LBA font l’objet d’une réglementation particulière dans le projet. Les trustees concernés par ces obligations sont ceux dont l’activité – réduite – ne remplit pas les critères de professionnalité. Ceux-ci se verront imposer l’obligation d’identifier les ADE des trusts qu’ils administrent. La définition d’ADE en matière de trust est extrêmement large et inclut le constituant (settlor), le trustee, le protecteur, les bénéficiaires d’un trust, ainsi que toute personne qui contrôle directement ou indirectement le trust (art. 23 P-LTPM). A l’inverse du régime applicable aux personnes morales, ces informations seront gardées par le trustee et ne sont pas inscrites dans le registre de la transparence.

Les rapports fiduciaires font également l’objet d’une nouvelle réglementation dans le P-LTPM: tout administrateur, gérant, actionnaire ou associé, sera dorénavant tenu d’informer la société concernée du fait qu’il agit à titre fiduciaire ainsi que de l’identité et des détails de la personne pour le compte de laquelle il agit (art. 15 à 18 P-LTPM). Cette annonce doit intervenir dans le mois qui suit la mise en place de la fiducie. Ces informations doivent être communiquées par la société concernée au registre du commerce, qui publiera le rapport fiduciaire mais non l’identité du fiduciant. A noter que cette obligation d’annonce s’appliquera également aux banques et maisons de titre. Contrairement aux autres nominees, elles ne seront toutefois pas tenues d’informer la société des clients pour le compte desquelles elles agissent.

La mise en œuvre du registre de la transparence devrait intervenir rapidement une fois la LTPM entrée en vigueur. Le projet prévoit en effet des dispositions transitoires très brèves allant de trois à six mois selon le type de personne morale, les entités étrangères touchées par le projet ayant six mois pour faire les annonces nécessaires au registre. Reste à voir dans quel délai le P-LTPM pourra être adopté. Le projet est maintenant devant le parlement. Au vu du feedback ayant entouré la procédure de consultation sur l’avant-projet et les amendements apportés sur cette base, l’on peut penser que cet aspect du projet devrait rencontrer un écho généralement favorable. Il pourrait en aller en revanche différemment de l’autre aspect du projet de loi, qui touche à la profession d’avocat et de notaire, et qui se heurte à un certain nombre d’oppositions. En tout état de cause, l’objectif est d’adopter la LTPM avant le prochain cycle d’évaluation de la Suisse par le GAFI, prévu pour l’année 2027.

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Shelby R. du Pasquier

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